La Fondation Ricard est un écrin pour œuvres de salon. À l’époque de la friche industrielle triomphante le volume à taille humaine du lieu est immédiatement rassurant. On y regarde les expositions comme on s’y sent, enveloppé par l’habitude des objets et des matières, une forme de chez soi chez l’autre, mais sans l’autre. Le travail de Guillaume Leblon s’y prête parfaitement.

L’artiste réunit dans ses sculptures des éléments dont on finit par conclure qu’ils étaient fait pour ça. Sauf que cette conclusion ne dure d’un instant, on voit trop bien que ces arrangements disparaîtraient derrière le moindre coup de vent, de même qu’intimement on suppose que le coup de vent suivant les ferait réapparaître. Face à ces petits miracles de justesse, le calme chauffé et moquetté de la fondation Ricard donne une impression d’éternité.

Mais que voit-on au juste? La première œuvre, Réplique de la chose absente est constituée de trois strates vert-de-gris de contreplaqué moisie, d’une rambarde longeant l’empilement des quadrilatères, au centre desquels sont enfoncés dans deux trous circulaires deux éléments aux reflets d’aluminium et de carton kraft.

Sauf que les descriptions ne mènent à rien. Elles ne disent que trop peu des micros perceptions des matériaux qui font l’appréhension des œuvres de Guillaume Leblon. Elles ne parlent en rien de leurs agencements, de la commissure des uns logés dans les autres, de l’orangé de la corrosion, des vitres impeccablement nettoyées luisantes au dessus d’un monceau de bois qui fut peut-être un jour dernier un meuble, mais qui ici devient le réceptacle d’un tas de sable l’envahissant par le bas. Toutes ces petites choses de fond d’atelier, ces coins de table admirablement cognés, les briques noires empilées sous une plaque suavement tartinée de graisse ; tous ces mots ne savent pas déclencher la caresse qu’entraîne un regard posé sur une des œuvres de l’artiste.

Tout cela il faudra venir le voir pour le croire.