La peinture de Genët Mayor est une peinture trouvée, une peinture accidentelle, opportune, qui vient prendre place sur des supports procurés on ne sait comment. Des supports qu’elle colonise à la manière des mousses et des champignons, s’installant là où la matière vivante cède à ses avances. Cette place – qui est autant un espace de repli qu’un espace d’occupation – devient surface.

C’est ainsi que des scènes de labyrinthe ont fait leur apparition sur d’anciens sous-mains. Ainsi aussi que de larges peintures abstraites ont donné à de grandes plaques métalliques d’origine agricole des motifs géométriques en parfaite méconnaissance des usages qui les occupent habituellement. L’acte de peindre transforme ce qu’il approche en tableau. Puis, le tableau, selon une règle de réciprocité, peut à nouveau se transformer en de nombreuses choses dont, hélas, la plus fréquente est l’œuvre d’art. Genët Mayor va plus loin. Sa peinture s’intéresse autant aux objets manufacturés qu’à la dimension idéologique et culturelle qu’ils véhiculent. C’est le sens de ses œuvres sur toiles. De format identique, elles sont disposées en ligne de sorte à rendre évident que les châssis furent achetés en lot. Chacune comporte un fond abstrait traité selon un style différent. Sur ces fonds, des phrases lancées tels des slogans publicitaires, chacun dans une police de caractère différente, interpellent l’observateur : « être une bonne chaise », « pendant le son », « deux siestes », etc. Dans ces œuvres, la forme et le message se mêlent avec aisance, comme si l’injonction n’avait de sens que visuel : voir c’est lire et inversement. Ici, la peinture résiste de tout son poids face à la tentation d’être prise pour une œuvre. Il ne faudrait presque rien pour que se confondent tableau, peinture et œuvres, mais la réclame, même poétique, de l’ouvrage impose son usage. Impossible de passer à côté de son efficacité, impossible de ne pas lire, de ne pas voir, impossible de ne pas se demander ce que cela signifie avant d’oublier et d’être happé par d’autres mots bien disposés, impossible enfin de se laisser porter autrement que par le truchement malin du langage dans lequel s’est logée la peinture et qui se fiche bien de ce qui adviendra de son hôte une fois toutes ses forces épuisées. Car à ce moment-là, comme les mousses, les lichens, les champignons, elle migrera.