Dans un espace plus haut que vaste, un groupe de formes jonche le sol. Elles semblent être tombées là, comme si la galerie était une fosse, un trou recueillant le hasard. Leur chute est récente, le temps n’a pas encore eu l’occasion de tout sédimenter, de balayer les traces et les coulures de cire. Pour elles, l‘attente ne fait que commencer. Leurs parties molles et souples ont déjà disparu, le bois a déjà brûlé, les métaux s’oxyderont bientôt. Dans le calme le plus profond et ce malgré les apparences l’ambiance de fin du monde que l’on peut palper au fond du précipice progresse.

Ces objets dressent un état des lieux de l’extérieur. On y lit ce qu’il se passe en haut. Dans le silence d’en bas ils se font l’écho d’une fin, une fin brutale dont seules quelques bribes parviennent, capturées et neutralisées par le subit épuisement que connaissent ceux que captent les ombres de la cavité. Par terre les lames acérées de Lupo Borgonovo montrent qu’il y a peu encore étaient actionnées d’énormes machines de guerre médiévales. Tout autour, une poignée d’os brisés éparpillés au milieu d’objets fondus, liquéfiés par la chaleur et la terreur, rappelle dans sa misère l’effort colossal concédé pour en arriver là. Aux murs, les œuvres d’Andrea Kvas et de de Giorgio Andreotta Calò : un groupe de toiles lacérées accrochées à des pointes, de vieux Polaroïds montrant le monde d’avant en train de disparaître sous l’effet laiteux d’un soleil étouffé par la chaleur, mais presque aucun papier. Est-ce à dire qu’ils ont disparu en premier ? Ou alors que leur usage est déjà révolu ? Comme abandonnées par les vents contraires et le souffle mourant du voyage humain, ces formes fragiles ne font pas partie du dernier voyage.

Dans le loin, le seul son que l’on perçoive est la voix de Godzilla. Elle grogne, lui, on ne le voit pas. Sans fin, elle se traine en longueur, sans jamais besoin de reprendre son souffle elle geint, effraie et ne s’éloigne pas.