Pour un été studieux la galerie parisienne a concocté une exposition sérieuse : Duchamp, Beuys, Murakami. Une présentation sous la forme d’un escabeau à trois marches.

L’idée est de créer un gradient dans le rire. Il y a donc : un artiste sérieux qui rigole, un artiste sérieux qui ne rigole pas, et un artiste pas sérieux qui rigole. Cependant la visite ne se fait pas dans cet ordre puisque c’est Beuys qui ouvre la marche.

Comme il se doit, on trouve tout ce qu’il faut pour créer une atmosphère qui sent les années 1970. Soit : du papier imprimé jauni, quelques dessins griffonnés, des photos, de la graisse, du feutre et bien sûr du plomb. Les objets en eux-mêmes ne sont pas déterminants, ce qui compte ici c’est le poids de l’histoire, et le poids est donné par l’aspect massif des armoires à glaces. Afin que l’ensemble ne soit pas trop statique mais surtout pour la dimension iconique soit parfaite, un très grand tirage de son fameux autoportrait en marche fait la transition avec la seconde étape.

La seconde étape est celle de Duchamp. Ici les papiers sont encore plus jaunis et les vitrines plus petites. Cet almanach est composé d’un échantillon de ses livres et de ses blagues, d’une ou deux idées griffonnées, de versions rares et de versions réédités, il y a là tout ce qu’il faut pour faire la joie de bibliophiles en manque de douceur. En se penchant un peu on déchiffre quelques jeux de mots qui nous font frémir quand on les prononce – tant ils sont polissons. Le visiteur ne manquera pas de se piquer de l’ironie qui plonge le maître des faux-fuyants dans une présentation au formol, la scénographie ayant probablement été emprunté au musée Saint-Vincent-de-Paul ou quelque autre temple à la mémoire d’un précieux défunt.

Après toute cette solennité, la dernière marche est occupée par Murakami. Au premier abord il est difficile de distinguer comment le triangle se referme. Le Japonais est drôle comme le Français, très médiatisé comme l’Allemand, mais rien ne semble vraiment les lier tous les trois. En fait rien ne les relie. Le travail deux premiers servent de catapulte pour faire vendre les éditions du troisième. Le procédé est d’une grande efficacité, on prend deux morts et l’on hisse sur leurs épaules un artiste bien vivant, les deux du dessous ne bougent ni ne se plaignent pas puisque justement ils sont morts, et celui qui à la chance d’être en haut peut planter ses clous. Comme sur un escabeau trois marches.