Gino Severini est un peu à l’image de cette modernité triomphante qui s’est éternisée et a fini par ennuyer. Le musée de l’orangerie se fait une joie de nous séquencer la chute.

L’homme était pourtant bien parti, il même goûté à tout ce que les avant-gardes du début du XXe siècle avaient à dealer. Du pointillisme au futurisme, et du cubisme au néo classicisme en passant par un certain nombre d’hybridations, rien ne lui a échappé. C’est dire si l’aventure lui promettait d’être excitante.

Elle le fut pour partie. Il découvre le divisionnisme transalpin auprès de Boccioni puis parisien dans le sillage de Seurat et Signac. Dans leurs sillages l’air vivifiant du siècle naissant le pousse dans les contre-allées de l’histoire récente. C’est là, à l’ombre des marronniers qu’il développe sa marque de fabrique : la touche molle et paresseuse dont il usera toute sa vie. Par le biais de la couleur libérée des canons anciens, l’artiste accède aux problématiques nouvelles. Le jaune pur à coté du rouge et du vert deviendront le centre de gravité de quasiment toute sa production. Pour autant ce réflexe ne libérera jamais vraiment ses couleurs ; elles se cantonneront à être vive et à s’alterner plutôt qu’à donner un rythme.

Grace au futurisme Severini trouve momentanément l’opportunité d’être en tête de train. Mais ce train là est versatile, l’avant guerre suffira à l’épuiser. Dans le cercle de Boccioni, accompagné de tout ce que Paris comporte d’expérimentateurs et de petits chimistes, Severini pousse la peinture vers des synthèses proches de l’abstraction. Les machines sont en marches, les machinistes radieux – en théorie, tout roule. L’artiste en tirera une série de danseuses. Ce sera sa grande contribution au découpage du mouvement. La vitesse des froufrous valant bien celle des bicyclettes. Mais à y regarder ces peintures ont les mêmes mécanismes que ses œuvres antérieures, seule le sujet et son découpage semble avoir variés depuis les années de formations de l’artiste. Ici plus que partout l’héritage du divisionnisme transparaît. Il y a le dessin et la forme (éclatée comme il se doit) et les petits points qui la remplissent.

S’en suivent diverses digressions vers l’abstraction puis la figuration. Le cubisme synthétique propose un temps à Severini une aire de repos où l’audace n’est pas un leitmotiv. Il passera les années 20 sous le soleil radieux de cette chapelle. Mais l’histoire n’attend pas. Le néo classicisme est là et l’italien y trouve ce dont il a besoin pour satisfaire ses vieux jours. Où l’exposition l’achève.