Le centre d’art de Chelles est formé de deux anciennes chapelles réunies en un grand rectangle sous charpente. De la séparation qui autrefois distinguait la messe des uns de celle des autres ne reste aujourd’hui qu’une jolie voûte qui fait office de démarcation entre les quatre œuvres de Farah Atassi et quatre autres d’Élodie Lesourd.

Les deux artistes ne se connaissaient pas avant d’être invitées à exposer ici. L’extrême nudité du lieu se prête à l’une comme à l’autre de manière directe, presque aussi simplement que le ferait un white cube. Presque, parce que si discrète soit elle, l’architecture sacrée ne résonne pas moins avec les travaux des deux artistes.

À l’instar des églises, les peintures inhabitées que Farah Atassi construit comme des abandons sont traversées par la conviction que bien des choses ont pu s’y passer avant d’être figées. Les coulures en sont les traces visibles ; la vétusté de certains murs défraîchis, les taches, les objets en fer émaillé, les chaises et les tabourets fatigués, autant d’indices d’une présence longue et répétitive dans ces lieux. Tout cela s’accorde très bien avec l’enduit à la chaux et les vitraux minimalistes du bâtiment qui fut tant de fois abandonné, mais qui malgré tout continu à imposer son caractère sacré. Les murs sont bavards et insistants – on en a ici la preuve et son image.

Le travail d’Élodie Lesourd achoppe différemment. C’est tout d’abord son intérêt pour la musique et la culture rock qui surprend en cet endroit. Il n’y a cependant aucune provocation, même quand elle trace au sol un diagramme reliant les actes de vandalismes d’églises en Norvège l’artiste ne croit pas faire entrer le loup dans la bergerie. C’est que ce pentagramme mutant et plein de cornes est très discret sous la poussière du sol que nous foulons. À côté, les deux peintures qu’elle montre reproduisent chacune une photo à l’échelle de l’objet et de l’espace qui y figure. Dans les deux ca il s’agit de clichés pris dans une exposition en Écosse. L’une est toute petite et presque abstraite, l’autre est imposante. Il règne dans cette dernière une pénombre qui en complique la lecture et donne aux volumes la solennité grave d’une crypte. Y reposent tombeaux et autres stèles qui sont en fait autant de bancs et de sculptures disposées dans une salle sans lumière. Le sentiment d’incertitude face à ces peintures est redoublé par les bruits venant régulièrement troubler le silence. On comprend finalement qu’ils résultent du nettoyage d’un enregistrement de Kurt Cobain ou Élodie Lesourd n’a conservé que les bruits de bouches, effaçant musique et chant.

C’est ainsi que des œuvres qui ne se mélangent pas trouvent le moyen  de se répondre par le biais de deux chapelles désaffectées.