Cet automne l’institution parisienne propose une exposition Arman, ce n’est pas rien. Il a fallu faire une sélection dans l’œuvre pléthorique de l’artiste. Certes, former un corpus d’œuvres majeures est parfaitement possible avec Arman, on en trouve même d’incontournables, pourtant celles-ci sont diluées dans une production labyrinthique. Il y en a partout, des vraies, des fausses, des cachées, d’autres qui débordent. Dans tout cela les concepteurs de cette exposition ont dû trancher.

Au bout de quelques salles les œuvres de l’artiste deviennent comme des énumérations, un rythme. Le travail de l’artiste avance comme un bulldozer et on entend presque l’artiste taper du pied dans la cabine.

Derrière chaque œuvre, chaque pièces et même si celles-ci ont été sobrement choisies et accrochées, on perçoit le nombre et le débit que l’artiste à goulument conçu. Ce n’est pas tout de dire qu’Arman est l’artiste des accumulations, il faut encore voir que celui-ci en maîtrise la respiration. Les articulations sont elles aussi particulièrement soignées : à sa manière de se disperser dans toutes les directions, Arman procède à un méticuleux arpentage de nos sociétés modernes. Là où chacun voit l’usure des matériaux, lui grippe la machine et détourne les débits du déterminisme dans lesquels les successifs cycles de production les avaient poussés. Mais ce n’est pas ce passage d’un cycle de consommation à un autre que pointe du doigt ce travail. Arman lutte contre le déséquilibre de l’hyper productivité en poussant toujours plus d’objets sur le bas-côté du chemin. Il lutte avec les mêmes armes que celles qu’il affronte, il consomme tout ce qu’il peut trouver.

L’exposition souligne son goût pour les instruments de musique, pour les titres d’œuvres bien choisis, pour le travail, le dépassement autant que la récupération, les bonds en avant et en arrière ; mais tous ces points, toutes ces qualités vont dans le même trou. Ensemble, elles sont déversées dans le même torrent circulaire, reflet exact dans ses béances comme dans ses indigestions des circuits de consommations auxquels nous appartenons.

Ainsi, malgré les efforts des commissaires d’exposition pour ne pas transformer le sixième étage en une décharge fermée ou en catalogue des Pages Jaunes, on se plaît à espérer voir les œuvres se démultiplier et décliner leurs présences dans toutes les tailles et toutes les formes.