Les Peintures de nuages de Benoît Maire sont habitées de triangles mous. Sous leurs formes ruissellent les traces de plusieurs passages liquides. Elles façonnent des ciels gris, des ciels de pluie, d’après la pluie, des cieux où l’on imagine probable du beau temps pour le surlendemain. Les nuages ont un profil de chapeau évasé et sans bord que parfois l’imprégnation de l’humidité a rendu plus informe que prévu. Ils pointent vers le haut tandis que l’ensemble des toiles rince un sol qu’aucun horizon ne permet de supposer. L’eau coule et ne tombe sur rien. C’est un monde primitif, sans terres émergées pour donner un choix aux couleurs ruisselant dans le ciel.

Ce que ne montrent pas les tableaux mais que l’on découvre au sol sont les traces créées par ces écoulements. Il s’agit de Déchets récents n’ayant connu ni l’abandon ni la saleté. Ils n’ont – selon toute vraisemblance – pas été balayés, mais probablement été récoltés puis déposés dans les angles de la galerie (du reste sans jamais en toucher les murs). La plupart d’entre eux ont l’air propres, aucun n’est réellement vieux ou usé. Nul lien autre que scénographique ne sollicite l’endroit où ils se trouvent. À cette place improbable et pourtant délibérée, ce fatras diffus, à peine remis des liquéfactions qui lui ont donné naissance, a commencé à se calcifier. La peinture qui le macule ne tâche pas le sol. Son gras est sec et il ne véhicule aucune poussière ni aucune matière susceptible d’être invasive. Chu, il est devenu cassant. Fragile parce que coincé dans la nécessité d’être indexé et du même coup conservé.

Plus loin, posé sur le socle bancal d’une table sans plateau, un bras ballant tente, sans se donner les moyens d’y parvenir, d’atteindre quelques-uns de ces anciens déchets. Ailleurs c’est une main qui essaie de s’extraire d’un bloc de cristal. L’index dressé verticalement, elle semble attendre la prochaine goutte de pluie. Elle la dénonce autant qu’elle l’espère et se tient prête à briller pour elle comme au prisme d’un arc-en-ciel.