La peinture de Jennifer Boysen se caractérise par une sobre disponibilité monochrome. Uniforme, de facture légèrement sèche, parfaitement réalisée sur des toiles au grain agréable, elle pousse dans la lumière des volumes aux formes arrondies comme si elle contenait son souffle dans les joues de l’espace. La texture de ces tableaux s’approche de celle que l’on peut apprécier dans le design épuré de la fin des années 70. Elle en a le confort, sans trop de moelleux, qui accueille les formes du bout des lèvres sans jamais les embrasser totalement, mais en sachant toujours les épouser avec élégance et ascétisme.

Les tableaux de l’artiste retiennent ainsi une grande rigidité contenue dans la fine épaisseur de volupté mousseuse et vibrante que produit la peinture elle-même. Les teintes, sourdes et mates, enveloppent les tableaux et assoient le sentiment de calme et d’écoute que renvoie leur présence. Ce sont des ocres et des crèmes, des jaunes rompus et asséchés, des bruns émiettés.

À l’intérieur, un volume que l’on devine complexe donne par ses saillies anguleuses contre la toile des creux et des crêtes à ces paysages désertiques. S’en suivent des moments ombragés pareils à la naissance des dunes lors de la rencontre de deux vents contraires. À ceux-ci s’opposent de grandes étendues gonflées où se dégrade la chaleur résiduelle qui en a brûlé la surface. Tenues par cette fine croûte, la poussée des sables produit des mirages à l’aine de ses dépressions. Ces mirages extrêmement courts nous happent comme des vertiges ; ils nous lâchent d’un coup dans le vide et nous rattrapent à la seconde qui suit sans qu’il soit jamais possible d’en prédire les caprices et les sauts au cœur. Tout pourrait disparaître en ces instants de tension : ces œuvres contiennent tout à la fois la promesse des sommets les plus hauts, et la possibilité d’un retour éternel aux profondeurs ensablées des ergs dont elles sont issues.