Au bord de la plage une galerie commerçante abrite les touristes et les passants du soleil. La fraicheur d’aéroport que diffusent les climatiseurs enveloppe les palmiers et les portants à vêtement d’une énergie clinique et somnolente, sans ombre portée, flottant comme un halot de lumière vive mais molle. Partout, les murs sont couverts de peinture étalée à renfort de grands gestes dont la mécanique expressionniste a été produite avec soin mais sans la moindre envie ; les jaunes giclent près des bleus et des verts, se combinent aux rouges et créent de grands tourbillons festifs déversés sans retenue comme pour mimer un sentiment de générosité. La joie apathique qui en jaillit recouvre tout, les morceaux de plastique au sol, les images imprimées sur les pans de toile et de tissus que l’on a étendus tels des hamacs de théâtre. Elle sèche.

Ce décor ne simule pas une quelconque authenticité, il la sécrète, il en est la source grasse et intarissable, continuellement en besoin de produire de l’atmosphère de fête, de la fraicheur et d’intenses passions. Tout est fait pour que chaque objet puisse devenir sincère envers ceux qui les regardent. C’est pour cela qu’il n’y a personne, les seuls humains présents sont des mannequins en plastique. On trouve néanmoins au sol les empreintes de ceux qui sont passées par ici. Elles ont la valeur d’un témoignage, s’y chausser c’est les prolonger, poursuivre avec elles une dynamique que l’on ressent immédiatement comme essentielle est pluriséculaire. Mettre la main contre ces traces de mains c’est se replacer là où d’autres hommes et d’autres femmes eurent le besoin de survivre à leur descendance. La musique diffusée en permanence complète la dégradation de ce qui est occidental en exotisme pour touristes occidentaux et ce qui est oriental en exotisme pour touriste orientaux.

Dans cette expérience transcendantale du toc en milieu commercial, la recherche de l’étincelle s’est muée en celle du souvenir à rapporter avec soi. La peinture devient une rivière d’émotion dans laquelle on peut à loisir se faire découper un morceau. Ceux-ci finiront sur la cheminée, encadrés et protégés.