Il ne s’agit pas de décadence mais d’un mouvement perpétuel qui trouve sa dignité dans les valses des derviches tourneurs. Sauf qu’à présent les sexes et la spiritualité zen de pacotille occupent le centre de gravité des rotations. Ils imposent leur décor de chaussettes de sport sales, de néons, de plantes vertes de salle d’attente. Deux rappeurs nains peroxydés agitent leurs gros doigts couverts de bagues dorées, tandis qu’une vidéo homo-érotique diffuse le dandinement de créatures pluggées parmi les bangs et feuilles de cannabis. Ces deux motifs sont repris partout et dans toutes les tailles ; le premier est devenu la présence phallique de référence, le second reforme la voie lactée que les étoiles du ciel, cachées sous le plafond, ne procurent plus.  Autant d’éléments bourrés de symboliques prises au pied de la lettre et utilisées comme un alphabet pour construire un espace vaste, noyés dans un fond sonore mimant les révolutions du passé, aussi creux et neutre que possible.

Ainsi, le cercle que dessine la ronde est une bulle étroite chargée d’antiseptiques et suffisamment abreuvée d’images et de bruits pour que jamais le calme ne puisse s’installer.

À l’heure des hypermarchés de la taille d’une ville, tout y sent le sperme et les produits ménagers. Même les gardiens de salle semblent avoir été recrutés à la porte d’une boîte de nuit. C’est tout ce qu’il y a de plus normal. Normal parce que la norme est honnie. Parce qu’elle s’échappe telle une savonnette dans un jeu de massacre pour chaine You-Tube, qu’elle glisse et se faufile dans les interstices les moins fréquentés et les plus secrets du vice comme de la vertu. Mais elle les quitte aussi tôt pour se cacher dans d’autres cratères, d’autres nids-de-poule, fuyant infiniment une définition qui la poursuit et la déteste. Le bruit qu’elle fait et le malaise qu’elle agglutine sont cachés par la musique déversée uniformément, en courtes vagues, identiques et anonymes, qui construisent un temps de tous petits bouts sans mémoire.