Paire de lunettes de George Cope : petit tableau vertical exécuté par le peintre, mais pour une fois, sans elle.

Il s’agit de binocles ovales, simplement cerclées de métal clair. Le tableau les représente suspendues à une fine boucle de ficelle ocre scellée par une pointe de cire rouge. Rien de plus.

Le mur derrière est vert de gris. Sa couleur semble passée et les superpositions des couches de peinture appliquées par George Cope lui ont donné l’aspect granuleux caractéristique de l’amplification des détails que provoque l’attention excessive et prolongée portée sur une surface somme toute anodine mais rendue extraordinairement riche par les effets des divagations oculaires. À mesure qu’on l’observe, le regard se fond dans les anfractuosités exagérées de sa matière ; il en découvre les subtilités, et avec elles l’épaisseur d’une maison longuement habitée par son propriétaire. Ce vert fut certainement anglais avant que le soleil n’en transforme la transparence et y superpose une pellicule lactée. Il est désormais olive et capte la fraicheur des ombres de l’atelier.

Les lunettes attendent que l’on vienne les trouver ; elles attendent que l’on se mette à la lecture. Dans la clarté de leurs verres se loge un moment de concentration. Il suffirait de les chausser pour y plonger, et par cette porte ouverte se faufiler tout entier. Une fois la tête passée les épaules suivent, le corps à son tour s’engage et, de l’autre côté, en apesanteur dans l’occupation que l’on s’était choisi, la conscience de l’espace disparait. Détaché des contingences du confort, réchauffé sans avoir effectué le moindre effort, absent sans être inactif, le corps ne réclame plus rien, il n’est même pas vraiment à l’aise, il est tout simplement ailleurs.

Un ailleurs depuis lequel, encore visible à partir des deux petits trous de la monture, l’horloge de l’atelier continue sa progression. Mais, restée de l’autre côté, elle a perdu son autorité sur l’agencement des futurs.