L’exposition d’Aurore Pallet à la Galerie Isabelle Gounod est composée comme un panorama. Mais le paysage que fabriquent les vingt-cinq points de vue ne dévoile rien, ou si peu, du lieu où il nous mène.

On ne le découvre que de loin, sous un halot de brumes dont ne parvient même pas à savoir si elles sont matinales où tardives. Presque palpables, elles invitent à s’approcher et se glisser dans le détail des volutes. L’artiste a pris soin de concevoir ses tableaux comme des espaces magnétiques. Et une fois toute proche, l’image agît à la manière d’une souricière, appliquée aux pensées romantiques qui s’y faufilent puis s’y débattent, en vain, un peu bêtement et jusqu’à l’épuisement.

Il faut rester au loin, profiter de la lagune depuis le pont. De là la tentation reste limitée et il devient possible de prendre le temps d’observer l’obscurité de ces tableaux.

De long en large, d’îlots en nuages, la nuit finit par prendre l’eau. Semblable à l’air qui circule autour, elle se décharge des évidences accumulées par la journée, s’épurant par immobilité, laissant se décanter la poisse des histoires vécues sous le soleil. Quand il fait jour, les choses triviales se battent entre elles, il en ressort une infinité de présupposés qui, par habitude, finissent par fabriquer des règles. Celles-ci n’ont d’autre but que de s’imposer, recouvrant de leurs lavis pusillanimes les subtilités de nos rapports au paysage.

S’en délester demande plusieurs étapes. Ce sont tout d’abord les couleurs qui s’enlisent dans le noir, puis les formes qui deviennent incertaines, le vide lui-même perd le caractère irrationnel qui y lui est attaché. Le monde s’étant assoupi, la lenteur ayant disposé chaque chose dans un lointain sécurisant, la nuit ôte au regard toutes raisons de considérer l’absence comme un danger.