Les brasiers ont disparu. Ils ont emporté avec eux les meubles, les lambris et les bibelots qui s’entassaient depuis que l’on s’était résigné à ne pas bazarder l’héritage cédé tel quel par les aïeux et, avant eux, ceux qui avaient fait de même. L’esthétique déployée dans la Galerie Marine Veilleux est celle de l’incendie éteint, de la boite d’allumettes vidée, calcinée de l’intérieur, et que l’on conserve pour le secret qu’elle contient.

Plusieurs linges pendent. Peut-être servirent-ils à étouffer l’incendie qui a ravagé l’espace. Ils pendent comme pendent aux fenêtres les draps déchargés des nuits qui les encombrent. Un grand voile couleur chair occupe le fond de la pièce. Il a la taille d’une couche deux places. Ses brûlures ont l’air d’avoir été produites par un liquide s’enflammant puis s’éteignant en un éclair de seconde. La trace marquetée à même la peau ressemble à une éclaboussure ; les flammes n’ont pas eu le temps de couler ; le drap faisait corps avec la peau.

Le feu est inhabituel, gras puis sec, il n’a rien laissé au rez-de-chaussée.

Au sous-sol se trouve ce qui ne disparaît pas. La terre cramée, les formes archétypales d’une géométrie vidée de sa simplicité ornementale, brûlée, réduite, gaspillée jusqu’à ce que ne reste plus que ce qui ne peut se perdre. Cette terre est chargée d’un écho fossile où l’on perçoit des pas saisis dans l’expression sauvage et pré-Euclidienne d’un geste qui mène à la marche. Subsistent les bâtons, les losanges, les doubles quadrilatères, formes primordiales, arbitraires et complexes.

Quatre plaques de cuivre aux teintes pétrole et violacées, conservent de la fournaise les gradients de température laissés à leur surface par la danse, sèche et brillante, des feux qui s’y sont succédés. Parmi les flammes fantômes, il est possible pour les visiteurs de distinguer leurs traits inaltérés mais bouillonnants dans la dorure métaphasique du métal en train de se faire œuvre.