La catastrophe était souhaitable. Il suffisait qu’elle intervienne. Pourtant, on ne trouve plus de trace du bain qui a dû inonder les locaux de la Galerie Un-Spaced ; tout y est propre et épongé, nul éboulis ni fissures, seules restent les œuvres laissées en creux une fois qu’il désordre scrupuleusement effacé.

Au sol, une dizaine de vitres ont été miraculeusement épargnées lors de leur chute. Elles reposent désormais au beau milieu de la pièce, idéalement alignées sur un tube. Lors des dégâts leurs extrémités ont été noircies, mais impossible d’en déterminer, ni la raison, ni le comment. En équilibre, la glace ploie sous le poids inquiet de tout ce qu’il serait advenu d’elles si le rien – le tout petit rien en suspens qui n’a pas eu lieu – avait finalement l’idée de venir les faire voler en éclats. Cette œuvre de Sebastian Wickeroth, tout comme les modules de bibliothèque au bord de l’effondrement, et les pans de papier blanc, délicatement évidés de lés de la largeur d’une goute d’eau, de Cécile Dupaquier témoignent de la fragilité du moment. Il aurait fort bien pu ne plus rien avoir du tout.

Les tableaux aux murs tiennent du miracle. Certains d’entre eux on vu leur châssis cintrer par l’action de la catastrophe, d’autres ont été recouvert par une couche de peinture pulvérisée à fleur sur les blisters dont ils sont emballés et qui, contre toute vraisemblance, sont restés intactes. Tous ont pris des teintes noires de suie agissant dans l’espace de la galerie comme de délicats pochoirs dont la survie ne tient qu’à l’absence d’un geste. Un simple geste qui pourrait en provoquer l’évanouissement.

Le sous-sol a certainement connu le pire. Avec Sometimes I fall, Sometime I don’t de Guillaume Constantin c’est toute l’éternité des couches de peinture qui s’est dissoute, laissant se décoller des murs l’isolant phonique en condensé de liège qu’elle retenait prisonnier. À présent il déborde abondamment, se déployant en un déroulé de matière souple aux formes libres et somptueuses, de celles que l’on imagine volontiers dans la garde-robe des grandes duchesses, sises dans leur château humide mais éternellement digne et propret malgré le luxe qui pèle et les arbres qui meurent.