Débandade, ou peut-être parade. Le séchoir à concombres incarne parfaitement le paradoxe de cet été. La structure est toute simple : deux tiges métalliques horizontales séparées d’une cinquantaine de centimètres l’une de l’autre peuvent accueillir non moins d’une dizaine de ces légumes. Cinq d’entre eux pendent à chaque étage, transpercés aux deux tiers, dans l’attente de l’état second qui les rendra utiles aux joueurs de cartes (le règlement de ce jeu est proposé en option – renseignements sur demande uniquement).

Disposé contre le mur adjacent, un club de golf, fer en l’air avec un boumerang posé dessus, attend de tromper l’équilibre. Rien ne sert de patienter, cela ne tombera pas. La possibilité même de cet équilibre est une tournure d’esprit. Les objets se maintiennent sans difficultés – la démonstration mathématique en a par ailleurs été faite. Sauf que ce n’est pas le spectacle que le public veut voir. Donc, pourquoi sans harnais les choses ne se cassent-elles pas la figure en permanence ? Comment restent-elles solidaires ? Pourquoi la vingtaine d’œufs nichés dans une rigole de PVC au-dessus du bureau ne roulent-ils pas sur le côté pour se briser au contact du monde et inonder de leur blanc et de leur jaune la paperasse qu’ils surplombent ? Comment se fait-il que même les facturiers, les classeurs, l’agrafeuse, les archives, la documentation, etc., tous, pourtant si peu méritants, soient épargnés par le chaos ?

Mais le comble, et peut-être le clou se trouve disposée immédiatement après l’entrée, comme le serait un extincteur ou n’importe quel dispositif de sécurité : une masse, dont le manche en bois clair ne présente aucun signe de manipulation, réceptionne les visiteurs. Elle est neuve, n’a jamais cognée. Accrochée verticalement, un verre d’eau en plastique transparent posé à son sommet, elle attend d’être empoignée, de s’abattre quelque part – fracasser la grande baie vitrée puis se mettre à courir – fuir.