Au travers de menus objets Hans Schaub fait apparaître l’empathie de l’espace physique pour le corps. Les murs, le sol qui les maintient, chaque anfractuosité que font les marches et les fenêtres dans l’architecture, leurs moments de vide et de vacuité, deviennent le lieu d’un contact ému et parfois douloureux.

Ces objets, l’artiste les a comme laissés, ils rappellent son corps, mais aussi n’importe quel autre corps. Car c’est avec son crâne que l’on se heurte aux murs. C’est le bout des orteils, les plus sensibles et les plus douillets de notre anatomie, qui frappe quand, au-devant d’un paillasson, se maintient dressée une porte close et muette. Ce paillasson où l’on peut s’asseoir et patienter, méditer sa rancœur en regardant passer les nains de jardin et autres tortues de ciment, lentes et moussues.

Trois béquilles – unipodes d’éclopés – circulent dans l’espace d’exposition, elles se présentent comme la promesse faite et tenue coute que coute de se relever des chutes, si dur ait pu être le sol, et si faibles nos genoux devenus. Leur aspect tout juste sorti du moule, encore reliées aux évents et aux jets de coulée, donne le sentiment qu’elles se tiennent prêtes à servir. Cependant, elles ne s’imposent pas comme une évidence car elles-mêmes auront besoin d’être ébarbées, débarrassées des bavures, des scories et de toute la machinerie de fonte avant de pouvoir d’être utilisées. Sans cela, elles se retireront discrètement, renonceront et finiront fondues à nouveau ; peut-être pour des poignées de porte.

Dans cet aménagement, le mobilier tient une place particulière. Ce sont de lourdes vitrines en bois. Elles ne contiennent rien, mais le regard continu de s’attarder à l’intérieur comme s’il était capté par l’ancienne présence des choses qu’elles renfermèrent. Une paire de chaussures aux orteils écrasés supporte l’une d’entre elles de son cuir épais et trop usé. La vitrine est en attente. Sa grande plaque de verre a été démontée et posée tout près de là pour ne pas se briser dans le mouvement. L’ensemble patiente – le temps de reprendre son souffle –, réfléchir un instant, ôter sa chemise trop pleine de sueur, peut-être de boire un verre d’eau fraiche dehors, au soleil. L’espace à investir attendra encore un peu.