La peinture de Werner Büttner se présente tel un grand incendie dans les images. Tout y est frustre, irrité. La couche picturale n’est constituée que d’irrégularités et semble vouloir se barrer, mais sans jamais y parvenir – elle ne fait que froncer, s’hérisser, comme si elle était toute entière appliquée à la brosse à récurer. On y trouve une véritable conscience de la gravité de la situation, une volonté revendiquée par l’artiste de ne pas tendre le flanc à la nonchalance. Ni flatterie, ni caresse, car son sujet est particulièrement coriace. Lui-même – le temps faisant – s’éloigne de la hargne facile de la jeunesse et se prend les pieds dans l’aisance et l’habitude qu’impose immanquablement l’âge à ceux qui s’obstinent. Exaspérer la peinture devient de plus en plus dur. Mais puisque l’exaspération est partout, les regards portés sur les tableaux ajoutent leur propre agacement à celui déjà présent.

La seule figure animale de l’exposition est une petite oie blanche se déplaçant cahin-caha dans un angle de rue bétonnée. Au-dessus, le soleil baisse et l’ombre très noire de la maison devant laquelle se tient le volatile régresse et se comprime pour former une obscurité absurde et totale.

Ailleurs, dans un morceau de ciel, une explosion étend ses jets de lumière au centre d’un cercle formé par des avions de ligne. Ces derniers semblent tournoyer comme s’ils étaient actionnés à la manière des nacelles d’un manège pour enfants. Les chaînes invisibles qui les retiennent peuvent lâcher à tout moment se dit-on. Mais cela n’est qu’une hypothèse. Plus loin encore, un coin d’une rambarde où se tient appuyée une main lourde et blanche  devient l’extrémité du monde. Les phalanges sur lesquelles sont inscrites en capital les lettres L.O.V.E. marquent l’ultime espace préhensible avant le néant violet et vert gazon que le peintre a surmonté d’une intense lueur jaune, autrement dit : un bout de jardin sous l’éclairage d’un lampadaire – amère, et en même temps incroyablement plein d’entrain dans cette amertume.