Le Panorama se découvre à partir d’un petit promontoire circulaire. Quelques mètres de diamètre à peine, autour desquels un fossé étroit et sombre, peu profond – à peine léché par la lumière crépusculaire projetée contre les parois creusées par l’artiste dans la matière tendre du carton ondulé – encerclent l’observateur de leur humide fraicheur. C’est une découverte pariétale, un mausolée enfoui dans la pénombre à la gloire des épaisses forêts de résineux vosgiennes. Là, épicéas, pins, sapins impénétrables et urticants absorbent les bruits et les chants d’oiseaux, les rendant invisibles à l’œil comme à l’ouïe. Depuis le promontoire rien ne parvient au visiteur de la vie qui pourtant grouille à l’intérieur et donne à la paroi rocheuse qui affleure par endroit de brefs frissons naissant au niveau du sol et remontant le long des troncs craquelés d’écorces bistre aux reflets ocres et bleutés.

Là où la roche se découvre à nos regards, elle apparaît finement stratifiée, comme si les années qu’elle enregistre étaient toujours pareilles, innombrables et sans accros, fermement empilées en paquets serrés comme les feuilles du procès verbal d’une affaire sans fin ni commencement débutée sans que l’on ne sache pourquoi et se poursuivant ainsi depuis toujours, mobilisant un groupe d’assistants et de greffiers fidèles dont les charges se transmettent de père en fils sans que jamais ne soit rompu le lien sacré les liant à leur tâche. Autour, la végétation plonge les griffes de ses branchages finement ramifiés dans absolument tous les recoins ; l’imbrication des unes auprès des autres zèbre l’espace d’un réseau barbelé mort repoussant haut vers les cimes la possibilité d’une respiration débarrassée de l’entêtante odeur d’aiguille en décomposition. C’est sur ce substrat que grossit la forêt. Fortement habituée à ces manies poisseuses qui la nourrissent et empêchent quoi que ce soit de se développer autrement que gorgé d’une sève brune et presque solide.