Sur un mur vert d’eau ont été accrochés huit petits cadres rangés par ordre décroissant. Ils arborent le même vert pâle et délavé. Absolument parfaite, l’unité de couleur semble avoir été posée comme un filtre sur une image. Un film autocollant ajusté au plus près des formes et des volumes tel un moule d’à peine un ou deux millimètres d’épaisseur. Plus encore que la couleur c’est la texture qui crée cet effet. Surface et objets ont le même rendu, la même vibration dans la teinte, le même gras quasi imperceptible, la même présence, implacable et muette.

On peut deviner à l’observation de cette épaisseur que celle-ci recouvre plusieurs repeints. Les traces de pinceaux s’y superposent et font affleurer sous la couleur des histoires que l’on s’imagine recroquevillées les unes contre les autres depuis des décennies, peut-être plus. De longues années, longues comme celles qui tapissent les maisons anciennes avant qu’elles ne soient rachetées par de jeunes couples qui, aussitôt, s’attèlent à en tout ôter, couche après couche, découvrant progressivement les histoires renfermées dans l’épaisseur des murs, leur faisant prendre la lumière et l’oxygène une dernière fois avant l’éternité. Il faut du temps pour tout retirer, du temps pour mettre à terre tout ce que la buée et la poussière ont aggloméré d’un hiver à l’autre ; du temps encore pour que les printemps et leur lot d’espoirs, tôt ou tard affadis, se décollent et s’abandonnent.

Il n’y a pas que les murs qui portent les stigmates du temps et des générations. Des rochers violets, des urnes et des châssis entoilés affleurent au pied du pan de mur vert d’eau. Eux aussi sont recouverts de cette pauvre épaisseur que créée l’art. L’art, qui ment et laisse croire en l’éternité.