Avec le pollen qui arrive, la céramique comme une glaire enlise tout ce qu’elle touche. Par flaques éparses elle s’extrait du sol, ruisselant depuis la terre et remontant par les canalisations, elle rampe et se hisse sur la pile de canettes abandonnées qu’elle gobe et transforme en une multitude de pieds.

Par cette action, devenues contenants, les céramiques sucent et recrachent à loisir. Elles ne s’en privent pas. Le collier, laissé sur un rebord de console après que madame se soit déshabillée hier soir, a vu ses perles prendre un long nez et se mettre à cancaner. Elles rient de bon cœur de leur nouvelle difformité. D’ailleurs, celle-ci se trouve à présent partout, et rien ne semble pouvoir arrêter cette totale débâcle. Les outres vomissent leurs olives, les verres se hérissent de formations calcaires. Toute la cuisine est recouverte d’une texture de pâte à cookies transpirant à cause de la chaleur : les ustensiles, les meubles, les plats et les robots, et même le petit guéridon de mamie ont été partiellement recouverts de postillons. La situation est devenue grotesque, chacun expulse des miasmes qui contaminent par petite touche colorée tout ce qu’ils atteignent, ils recouvrent jusqu’aux statuettes kenyanes rapportées des puces de Clignancourt. Les ballets et autres accessoires nécessaires pour faire le ménage n’ont pas été épargnés. Ils jouent maintenant aux épouvantails.

Trônant au centre de la pièce, le grand miroir renvoie cette image morveuse du monde. Il suinte tellement que sa surface est devenue grumeleuse. On ne s’y voit plus. Paradoxalement, cette disparation de l’image dans le reflet s’accompagne d’un éblouissement. Comme si, une fois avalée par plusieurs vagues de céramiques, les images libéraient subitement et instantanément tous les objets et toutes les choses qu’elles contenaient, provocant un flash argenté à l’endroit où l’on attendait de voir son visage.