La photographie qui nous fait face semble avoir été prise quelques instants avant l’ouverture des portes, alors que la fraîcheur de la nuit a enveloppé les meubles de son manteau de calme, que tout est encore propre et ajusté, serti dans l’immobilité et la dignité. Quelqu’un a poussé les volets, la lumière pénètre et réchauffe les boiseries cirées du Musée.

Comme si elle n’avait été qu’une longue et profonde respiration, la trêve nocturne s’achève en libérant un sentiment de quiétude. L’atmosphère d’accalmie lumineuse qui caractérise ces institutions dans les minutes précédant l’arrivée des visiteurs est à peine effleurée par la présence du photographe. Pourtant Julien Spiewak a fait entrer un groupe de personnes nues. Elles se meuvent à pas de loup entre les consoles et les marbres, montant et descendant les escaliers recouverts d’épais tapis aux couleurs du lieu, jouant encore la sérénade aux bronzes d’ameublement, aux pare-feu, aux torchères, aux lustres et aux dessus de tables peuplés de figures humaines et animales invitant à la danse et à la chasse, le tout dans un silence de somnambule. Chacun leur tour ces nus enlacent délicatement le lieu.

Leurs interventions s’apparentent à des actes de restauration. Comme si ces nus étaient des substituts aux fragments de sculptures manquants, que leur présence n’ajoutait rien d’autre que ce qui été absent depuis toujours, et, qu’au contraire, en prenant place elles avaient le pouvoir de réparer les fêlures du temps passé, suppléant par la chair aux imperfections de ces demeures et à celles de ceux qui en ont eu la charge. Ainsi on ne peut les distinguer qu’en les cherchant. La photographie les documente, mais ne les exhibe pas. Elle fait même comme s’ils n’existaient pas.