La bonne peinture a son histoire, la mauvaise l’oubli ; mais que deviennent les peintures moyennes quand elles survivent et nous parviennent ? Elles attendent l’âge de la patine et des usures. Le temps qui passe et qui les dégrade les charge de sucre. Ainsi confites ne reste plus qu’à leur réinventer une histoire, une mélancolie.

C’est là que Markus Schinwald les reprend. Il les améliore. D’un portrait lambda il produit une étrangeté. Par la simple adjonction de menus détails il permet l’apparition de ce que le peintre initial n’avait pas dit (et qui n’existait vraisemblablement pas). Mais la véracité n’a pas d’importance, car à présent nous voulons savoir. La fin du xixe siècle ne saurait être autre que celle qui amena à la psychanalyse, elle nous est inconcevable autrement qu’en tant que théâtre des passions intérieures, des mécanismes implacables et des orgueils contrariés. C’est Freud et Dostoïevski qui gouvernent. À leurs côtés les balbutiements de la clinique et les maisons de passes sordides, où courent les bourgeois lassés de la soie et des froufrous de l’Opéra, se chargent de déverser en flots continus les rêves tordus d’une société dysentérique.

À cette idée Markus Schinwald rend conforme les portraits de ces hommes et de ces femmes. Il en fait les contemporains de nos fantasmes, quitte à leur implanter une belle névrose que seul l’emploi d’un appareillage d’orthodontie va pouvoir ensuite essayer de redresser. Car il s’agit bien de redressement. Les machines utilisées à cet escient enroulent sur elles-mêmes nos peurs et nos désirs dans un mouvement perpétuel. Chacun des deux fils qui le composent se détricote en nous pour aller nourrir le Vaudou opéré devant nous. Ainsi, sous nos yeux coopérants, les portraits souffrants de médiocrité qui entrent dans le cabinet de l’artiste pour être corrigés en ressortent pareils à des dentitions entravées, frappées d’une monstruosité exacerbée.