Brian Calvin peint ces filles roses à la sophistication de magazine qui partaient en vacances. Agaçantes et aimées de tous. Jamais vraiment condescendantes. Toujours au-dessus du lot par leur science de l’humeur adéquate, même quand elles étaient un peu moches, que leur regard niais et leur coupe de cheveux raide et grasse nous sortaient par les yeux.

Elles étaient fascinantes. Mais elles ont disparues, remplacées par d’autres filles que des regards que nous ne pouvons plus porter ont substitué à celles que nous avons connues. Nous même les avons vu changer ; certaines ont chuté, d’autres sont restées dans l’inaccessible qui les caractérise encore, leurs attributs en glissant en permanence au devant du goût du jour. Car c’est avant tout cela, elles étaient actuelles.

Brian Calvin ne les a pas oubliées. Elles conservent dans sa peinture le lointain d’une photographie bien cadrée. Des apparitions, drapées de ce « je-ne-sais-quoi » qui ne fonctionnait que sur elles et que nous tentions cependant de copier. Brian Calvin, lui, n’a jamais cessé d’essayer. De près on découvre ses caresses. Sa peinture est chargée de douceur et d’une lenteur dont la transcription la plus parfaite se lit sur les lèvres des bouches à demi ouvertes, langue très légèrement en avant, comme sur le point de dire quelque chose, mais qui n’articule rien, sinon un regard.

C’était il y a vingt ans. Le reflet de notre décennie est désagréable. On ne les regarderait plus de la même manière aujourd’hui ; comment a-t-on pu seulement s’enticher d’elles ? Ce reflet est d’autant plus blessant qu’il accuse le coup. Tout ce dont nous avons fini par réussir à nous détacher, tout ce gloss et ces pauvres cruches sont gravés dans notre passé. Nous avions tant, voulu être elles et, la plupart du temps, nous avons échoué à être ces chimères échevelées et si brillamment urbaines. Parce qu’une bonne partie de nous leur appartient, les traces de ce passé qui ne fut qu’à moitié vrai empiètent encore et toujours dans le reflet du miroir.