C’est le double portrait d’un mariage : un homme uni à une femme par un léger décalage de point de vue qui rehausse le mari de la poignée de centimètres que son épouse avait de plus que lui.

Celle-ci a le teint diaphane des femmes dont la grossesse soulève le cœur. Son cou est incliné mais son menton affirmé contient un quant à soi particulièrement chargé. Tout comme son compagnon, elle est drapée d’une ample parure noire, une merveille de travail de couture dont Rembrandt a fait son terrain de jeu. Il l’a voulu tendre et souple, épaisse et voluptueuse, chargée de détails et ponctuellement envahie de répétitions. L’ondulation de ces motifs donne à la forme des vêtements l’air d’être couverts d’anémones de mer. De formidables anémones de mer charbonneuses, aux tentacules parcourues de liserés et de vésicules gris clair. Elles se détachent sur le fond sombre d’un espace minéral au calme parfait d’où rien ne s’approche ni n’observe. Aux extrémités du corps – col, manches et ceinture –, des broderies réalisées dans un tissu amidonné donnent à sa stature des airs d’hostie fleurie. Appâts ou restes de précédentes captures, ces résilles pourraient aussi bien être des concrétions calcaires dont la croissance déjà très avancée continuerait à croitre jusqu’à former des ombrelles.

Pour le moment Oopjen Coppit peut encore plonger la main dans sa robe. De la gauche elle en remonte légèrement un pan. Elle découvre ainsi un pied chaussé d’une matière ouvragée proche de celle qui recouvre ses poignets. Mais ce geste ne révèle rien. Il fait seulement sentir un peu plus la distance qui la protège des regards en suggérant que sous sa robe marine sa peau est encore préservée. Entre elle et l’extérieur l’association des étoffes délimite un espace sobre à la volupté enivrante et vénéneuse. C’est une beauté urticante qu’il se faut contenter d’observer. Et, avec elle, se laisser bercer par le mouvement chaloupé des eaux calmes qui l’abritent.