Deux moutons, un âne et un dogue posent dans un agencement travaillé sur un fond crépusculaire. Le chien observe, l’âne somnole, les moutons s’en vont ailleurs. Chez Jean-Baptiste Huet les animaux, bien que parfaitement naturalistes, se parent d’attitudes humaines. C’est la surprise que l’on lit sur la quadruple Étude de tête de cheval. De profil droit comme de gauche, la lèvre inférieure extrêmement mobile de l’animal associée à ses sourcils soulevés au-dessus d’yeux très ronds accuse un étonnement, une semi-inquiétude digne des scènes de genres les plus appuyées. Une théâtralité bienheureuse détachée de toute malice.

L’ensemble de la production du peintre est parcourue d’un souffle de carton-pâte. Le décor pastoral qui la ponctue – quelques plantes, un fond de potager où Rave, Vigne et Vieux tronc d’arbre – dressent un paysage vigoureux et alerte, comme doué d’une vie intérieure, dialoguant avec chacun des éléments de la composition. Souvent le bleu poudré du ciel s’accorde au rose guimauve des chairs, et les pelages, fauves, carmin ou cendrés, logent dans la souplesse d’un lit de salade composée par la végétation environnante.

Deux grands tableaux, Le Chien attaquant deux oies et le Loup percé d’une lance atteignent le paroxysme de l’anthropomorphisme. Impossible de les regarder sans se sentir concerné et, soi-même, sursauter d’un air exagérément étonné. Dans le premier, les oies glougloutent comme de jeunes mères, les poussins, niais et désordonnés, ont l’air d’adolescents dépassionnés. Le chien enfin, aussi surpris que la volaille, aboie comme un gendarme peu convaincu de la justesse de son action. Dans le second tableau le loup, s’il était doué de parole, s’apprêterait à se lancer une grande tirade sur la vacuité du monde qui est le sien. Sa tragédie deviendrait nôtre et la fable de son existence nous édifierait.

Peut-être n’en sommes nous pas si loin. D’ailleurs, le petit chien-chien à sa mémère qui mastique un ruban bleu monté sur un carquois rempli de flèches a lui aussi beaucoup à dire sur notre capacité à installer nos habitudes dans le confort d’une préciosité que le théâtre sait nous dire ridicule.