Souvenirs d’une intense activité tectonique, les quatre cheminées en forme de cratère de Laurence De Leersnyder sont disposées sur des pieds. La vocation naturaliste de ces sculptures en aluminium leur donne des allures de volcans abîmés. Les laves coulent et dessinent des nœuds et des nerfs dont on jurerait encore l’activité s’ils n’étaient pétrifiées sous nos yeux. Comme un écho aux corps d’Herculanum ces sculptures sont le souvenir de la séparation brutale entre le raidissement de la chair et la dispersion de la vie.

Pourtant, ces être géologiques sont avant tout des cavités. L’artiste retourne nos intérieurs pour en faire des volumes. Toute forme prend chez elle son origine dans un geste beaucoup plus primaire, le geste de fouissement qui pousse à s’envelopper dans la terre. L’artiste creuse. Ces creux qu’elle gratte afin de les déployer sont des entonnoirs. Leur forme témoigne de son engagement physique. Ils s’apparentent à ceux que réalisent les enfants dans le sable à la plage. Aucune pelle ne saurait aussi bien extirper du sol ce que la main et les doigts parviennent à lui arracher. À partir d’une base évasée, un trou de plus en plus étroit s’enfonce au travers des strates déposées par les autres enfants que la mer a mille fois aplanies et rebouchées.

La force d’excavation qu’exerce l’artiste sous ses pieds en creusant à bras le corps produit une ombre : l’ombre portée du geste de creuser lui-même. Cette ombre, primaire et immuable, apparait dans le vide. Semblable en cela à celle que l’on traîne derrière soi, elle se caractérise par son immatérialité ; et, de même que l’obscurité comble l’appel d’air creusé par la lumière derrière chaque forme qu’elle rencontre, la fonte d’aluminium vient épouser sa silhouette évidée. Une fois la fonte solidifiée elle est retournée, retroussée vers l’extérieur alors que sa pulsion initiale s’enfonçait vers l’intérieur, elle se met à occuper un espace, bourgeonne et souffle le parfum cendré du ventre de la terre.