Malgré l’obscurité, deux hommes en short noir marchent Dans la rivière. Ils semblent éclairés par une lampe électrique, peut-être pêchent-il, peut-être sont-ils là simplement pour rafraichir une nuit d’été trop chaude. Leur attitude désinvolte met à nu la familiarité de leur corps. S’en dégage une sorte d’habitude un peu fatiguée qui leur ôte toute possibilité de surjouer. Dans ce tableau comme dans tous les autres, les hommes et les femmes qui occupent les sujets de François Malingrëy ont quelque chose en commun qu’ils voudraient cacher ; quelque chose qui fait que leur regard ne se croisent plus. Parfois ils parviennent à se distraire, voire esquisser un sourire, mais le plus souvent ils plongent dans l’absence. Aucun ne fixe jamais la même direction. À les suivre on serpente et vibre comme dans un mouvement d’hésitation. Impossible de pénétrer le silence qui les lie, impossible de choisir un coupable, impossible de les abandonner ainsi. Car ils ne portent aucune faute. Ce n’est pas un secret qui plonge dans la brune les interstices entre leurs mains.

Ces personnes sont presque toujours là. Elles sont nos prochains, vacant en permanence à leur étroite impossibilité d’être franches, elles marchent et elles stagnent ; dehors, dès que l’on voudrait prendre l’air, en forêt à la tombée de l’automne, dans les Landes au printemps, à la mer en été.

Là, la Méditerranée, mer brouillonne et sombre, donne l’impression que les monceaux de posidonies qui y vivent affleurer sous ses flots. Depuis le sol où elles sont attachées, ces plantes couleur vessie se dressent vers la surface pour se réchauffer. Elles tendent mais ne parviennent jamais. Au-dessus d’elles, nous autres faisons la planche, l’eau froide dans le dos cependant que la chaleur progresse sur notre poitrine par d’éblouissants frottis. Dans ce silence, nos prochains sont encore là. Ils ne font pas de bruit, portent le même vêtement sobre. Le miroir au ciel qui transforme l’atmosphère en un implacable caisson lumineux les dore, les réchauffe et les fait rougir.