Les feuilles millimétrées que Jean-Marc Bustamante réimprime en très grand format font exploser leur gestualité minimale. Par cette manipulation l’artiste fait surgir tous les défauts des dessins initialement réalisés sur de petits formats. En même temps qu’elle émerge, la pauvreté propre à ces improvisations jaunes, bleues, châtain et orange devient leur raison d’être. Par réductions successives, elle annule les efforts de l’artiste, supprime ses automatismes et ses habitudes.

Tout se passe comme si, contre lui-même, Bustamante procédait à une déconstruction de l’image. Une déconstruction béate et remplie d’air, dégraissant et désossant l’image pour ne laisser apparaître que les nerfs effilochés, abandonnés tordus là où ils sont tombés sur la grille stricte et chirurgicale du papier ligné. La composition ainsi posée, n’est plus soutenue que par sa mise au carreau. En dehors d’elle plus rien ne la soutient ni ne lui donne d’appui. Vidée de son sens autant que de ses objets, réduite à son strict minimum, elle ne subsiste que dans le plaisir de la liberté dessaisie de toute injonction métaphasique et éthique.

C’est alors que la composition se fait trouvaille, joie et simplicité. Elle est ce qu’il reste après que toutes les tensions aient été mises hors de fonction et que l’on découvre qu’il pourrait ne plus rien avoir du tout. Le résultat des opérations de simplification, appliquées partout où cela était possible, offre l’étalage débraillé d’une intention artistique réduite à son intuition. Le cadre de la feuille, souligné d’un trait bleu, contient les ruines tantôt molles, tantôt remuantes, de cette agitation asséchée. Au final il subsiste peu – terriblement peu –, aussi peu qu’une confrontation avec un triangle quelconque. Pourtant, en un rien du tout, la chose pourrait tomber du côté d’une figure remarquable. L’une ou l’autre, mais cela n’arrive pas. Par chance, ou par illusion de la chance.