Enfermée dans un cercle irisé, une fine spirale trace un sillon enroulé sur lui-même. Elle s’enfonce dans l’épaisseur du tableau avec régularité, sans jamais défaillir. Sur ses crêtes et dans ses creux scintillent sur une base charbonneuse des poudres bleues et vertes, jaunes et orange, rouges, turquoise. Adrien Couvrat ratisse, il crée des jardins zen, presque toujours sur le même modèle, en incisant la matière puis en suscitant avec elle des vertiges colorés. La lumière y circule comme un lever de lune à l’horizon d’une immense étendue herbeuse qui la caresse et l’irrite à la fois.

Cette épaisseur râpeuse et insaisissable l’artiste l’applique à différents supports. Aux tondo et autres formats aux murs s’opposent des panneaux présentés légèrement penchés et que retiennent des structures en bois clair semblables à celles – habituellement invisibles aux spectateurs – servant de soutien pour les décors de théâtre. Sauf qu’ici, bien présentes, ces structures donnent une présence aux illusions optiques de l’artiste. Elles ne forment pas un lointain, mais manifestent une proximité à laquelle se raccrocher alors que le regard peine à s’enfoncer dans la peinture et louvoie à sa surface comme un patineur débutant. En outre, elles offrent à qui le veut un envers du décor. D’un côté le mystère pictural, de l’autre le format abrupt d’une porte de cave fermée de l’intérieur. Une porte dépourvue de poignée et de serrure, sans charnières ni pas, une porte qui ne se manifeste que par sa présence anthropomorphe et que nulle personne ne franchira jamais.

Elle n’existe que parce qu’elle signale cet ailleurs qu’Adrien Couvrat peint à leur revers. C’est de cet autre côté qu’il faut passer ; se laisser entrainer par le trouble de la toupie que crée la peinture pour comprendre la force centrifuge qui nous pousse, presque par réflexe, hors d’elle, mue aussi bien par notre propre désir d’illusion que par l’habilité de l’œuvre.