Un homme s’affaire. Cheveux blancs, moustache ancienne, long manteau traditionnel bleu à amples manches, muet, la gestuelle façonnée par un entrain et un regard sans habitude, il pousse et tire les gravillons accumulés dans un coin de salle pour organiser les sillons d’un jardin minéral.

Cela lui aura pris cinq minutes.

Ce qu’il fait là, il aurait certainement pu le faire dans cet ailleurs fantasmé que l’on projette immédiatement sur lui dès qu’on l’aperçoit pour la première fois. Sans nul doute sur un lopin de terre japonais, isolé du tumulte, mais peut-être accolé à une grande mégalopole. Cela importe peu. Ses pas sont de toute manière portés par le coussin des stéréotypes que véhicule en nous l’organisation minimale de l’espace.

Ce qu’ils n’indiquent pas, c’est comment sa présence a-t-elle pu être achetée ?

Près de lui, un matelas et plusieurs structures métalliques organisent les espaces du Plateau. Ces dernières sont discrètes tout en revendiquant une implacable exigence d’efficacité visuelle. Deux pavillons participent ainsi à la gestion du temps du vieil homme. L’un d’entre eux n’est jamais utilisé, l’autre est traversé ponctuellement et abrite un kimono soigneusement plié sur un côté. Se trouve aussi un arbrisseau dans un pot, et un aquarium accueillant un petit poisson rouge de fête foraine. Plusieurs vases sont fleuris, d’autre encore sont simplement disposés sur de petits guéridons et restent vides. Vides, mais, à l’image de l’espace dans son ensemble, tenant leur place avec précision. Au milieu de cet ordre, un groupe d’amphores donne l’apparence d’un site archéologique que l’on aurait entièrement reconstitué et transporté sur le béton parisien. Un certain nombre d’objets participent à cette apparence dont quelques objets en céramique à l’évidence plutôt anciens. Le tout est baigné de la lumière douce qu’apporte l’éclairage naturel et indirect des baies vitrées du bâtiment en rez-de-chaussée. Le soleil, enfermé dans une salle noire, rougeoie et brûle à l’abri des mouvements et du silence qui régissent le reste de l’exposition.