Sur un mur une photo en nuances de gris représente le mur opposé. À ses côtés une autre photo de mêmes dimensions et au cadrage identique poursuit le jeu de miroir, mais cette fois à partir du mur sur lequel elle a été elle-même accrochée.

Partout dans l’espace de la galerie les photographies créent un chemin de fer aux reflets métalliques de prises de vues opposées et parfois superposées, s’ouvrant l’une dans l’autre par un effet de mise en abyme. Le passage qui mène au bureau se retrouve en deux endroits, une fois face au bureau lui-même, une autre reprenant cette première image, mais accrochée à côté du bureau. À chercher les points de vue tout se fausse dans le jeu des vraisemblables et des reflets enchâssés. Les murs nus, photographiés et accrochés sur d’autres murs nus, ne se reconnaissent que par la ligne du sol et parfois celles des câblages zigzagant au plafond. En pivotant au centre de la galerie ces lignes, se prolongeant d’une image à l’autre, séquencent la vision et fragmentent la mémoire en d’infimes permanences qui nous perdent. L’espace de William Anastasi délimite ainsi un périmètre absolument clos, clos comme l’est celui de la galerie. Un périmètre qui possède pourtant une profondeur étrange et solitaire dans laquelle on s’enfonce sans changer de place. Car la galerie est presque vide, et c’est ce presque vide que construisent les photos à la fois à fleur des murs et les unes à l’intérieur des autres.

Dans cet entre-deux elle devient le lieu d’un temps arrêté. On l’observe et entraperçoit la stratification des activités qui l’ont occupée. Il y a eu d’autres choses ici. Les murs gris ont porté d’autres gestes qui, en disparaissant, ont à chaque fois créé un creux dans l’entraille maçonnée du bâtiment qui les abrite. Cette intuition, l’artiste la puise dans le long et imperceptible frisson de grisaille qui parcourt l’empilement des couches de peinture et d’enduit qui recouvre les murs. Dans quelques semaines lui-même ne sera plus que l’une de ces couches évanouies.