Trente dessins sans titre sont rangés dans un meuble à tiroirs. Un meuble sans façade ni personnalité. Simplement un meuble en bois clair, parfaitement assemblé par un technicien appliqué. Là, les dessins font acte de présence sans être réellement montrés. Les écarts entre chaque étage semblent avoir été décidés arbitrairement. Certains ne laissent que l’espace nécessaire pour y glisser ses doigts. D’autres, au contraire, offrent un volume important au-dessus de la feuille qu’ils contiennent, comme si celles-ci avaient une épaisseur invisible à laquelle il est indispensable de laisser un espace supplémentaire. Mais tout cela pourrait aussi bien être aléatoire.

Pour autant que l’on puisse les observer, les dessins sont tous différents, et tous rendent indifférent. Ils sont là pour témoigner d’une diversité, d’un panel de possibilités que l’artiste balaye et maîtrise. Les gestes abstraits reprennent en couleurs et en noir et blanc les poncifs de l’art moderne. Tantôt gestuel, tantôt géométrique, Pascal Pinaud répète les gammes d’un vocabulaire commun. Il n’y a dans cet étalement aucune revendication de paternité ; les dessins ont été accomplis comme l’on accomplit les mouvements et les pas d’une danse de salon aux bras d’un partenaire sans charme.

Il y a une réelle indolence vis-à-vis de ces productions. En elles-mêmes elles n’ont pas de valeur. L’artiste n’a pas cette illusion à leur sujet. Il sait bien que le charme de l’exécution ne remplace pas l’aura. Ou plutôt, il sait bien que l’aura ne se fabrique pas, qu’elle est une chose à laquelle on croit, et à laquelle il ne croit pas. C’est aux observateurs de croire. C’est à eux de se poser la question de ce qui se trouve sous leur nez. Les ingrédients sont au complet : la bizarrerie des tiroirs du meuble sert le mystère, l’efficacité du geste de l’artiste fait virtuose. Mais rien de plus, Pascal Pinaud n’en fait pas trop. Il tient à ce que l’adhésion – si elle advient – soit totale et entièrement du fait de celui qui y plonge. C’est à eux de faire le pas, lui refuse de les pousser. Il refuse de se salir les mains.