Dans la Chapelle de la Trinité à Cléguérec Ismaïl Bahri a organisé l’espace le long d’une suite d’épaisses feuilles aux dégradés bordeaux, ocre et rose qu’il a obtenu par trempage dans des lies de vins. Alignées le long de la nef elles mènent jusqu’à un petit écran diffusant une courte vidéo. Il s’agit d’un poignet immobile où l’on perçoit battre calmement le pouls de l’artiste. Sous son épiderme, le rythme est lent, la pulsion naît et disparaît en un instant, puis recommence le plus naturellement du monde, hors du temps, comme si elle ne devait jamais s’arrêter. Une goutte d’eau a été posée sur la peau, entrainée par le mouvement des veines elle bat avec la même souplesse infinitésimale, portée, elle aussi par l’épaisseur du temps présent. La goutte pourrait rouler. Il est fort probable qu’elle finisse par rouler. Quand le poignet se mettra à bouger elle ira s’éteindre à moins qu’elle ne sèche avant. L’illusion de l’éternité de la vie et la disparition sans conséquence sont présents mais ne pèsent pas. Pour cette goutte d’eau les ramifications du possible sont faites de presque rien, d’une légèreté sans liberté ni déterminisme qui est en le matériau même de son existence.

À Silfiac la Chapelle Saint-Laurent est occupée par les céramiques serpentines d’Elmar Trenkwalder. Il s’agit d’une occupation quasi mystique. Le caractère sacré de ces sculptures procède d’un paganisme viscéral, fait de serpents s’élevant au ciel tels des racines s’extirpant du sol de l’église qui cède sous la pression impie des croyances ancestrales patientant sous roche. En direction de la voute elles fleurissent en figurines anthropomorphes, mi-homme mi-bête fait, parfois, seulement d’un organe : une langue, un doigt, un muscle, des vaisseaux, des veines et des artères.

Elles sont le contre-pied de l’installation de Clément Laigle dans la Chapelle Saint-Meldéoc à Locmettro. Les étagères industrielles métalliques organisées à la manière d’un espace de stockage d’Arkiv rattachent les pierres qu’elles contiennent à un idéal productiviste qui en domestique le primitivisme. Ces pierres sont de toutes sortes, taillées, trouvées, vieilles, usées et à moitié détruites. On y trouve aussi des morceaux de béton couvert de mousse dont la fonction contenue dans la forme est devenue indéchiffrable. L’association de ces objets au néon blanc qui les éclaire fait songer à une mise aux normes contemporaines d’un réservoir à vieilleries. L’ancien et le neuf ne s’annulent pas. Ils s’agencent comme se formule un questionnement, entre les deux termes duquel se faufiler impose un contact étroit avec l’un et l’autre à la fois.