Des zones noires pénètrent des zones blanches. Des zones blanches pénètrent des zones noires. Positive l’une de l’autre, elles s’étendent et avancent comme un coup arrêté en plein foie, vif – silencieux – statique.

La communication entre ces deux entités géométriques est impossible, et cependant, siamoises, elles ne peuvent se séparer. AUTUMN XII/1 et XII/2 dialoguent dans l’élégante promiscuité qui les unie.

Les tableaux et les dessins de cet artiste sont faits de circulations mutuelles, de boyaux intenses et raides se digérant entre eux. Leurs zigzags anguleux ne connaissent pas le vide, ils progressent aussi bien sur un plan vertical qu’horizontal, ouvrant et refermant constamment des espaces compacts dont rien ne semble plus proche que l’idée d’un combat permanent entre le jaune et le blanc d’un œuf. Nés d’une intimité totale entre ces deux couleurs qui jamais ne se mêlent, ces compositions se construisent en se frayant un chemin dans le rectangle des surfaces qui les accueille. Obligées par des conditions inaudibles pour les observateurs, les tableaux obéissent à des logiques étranges et capricieuses, aussi baroques et stupéfiantes que celles qui ont conduit à la formation des roches les plus plissées et les plus tourmentées.

Telles des ordonnances informatiques, les forces qui ont gouverné à leur naissance ont œuvré au cordeau, avec une rigueur sans faille. Pourtant c’est à la main de Julije Knifer que l’on pense en regardant ces surfaces. Rien ne bouge mais tout vacille, le tracé est impeccable, mais à l’œil on a le sentiment qu’il y a dans ces équilibres le vertige nécessaire pour laisser s’engouffrer la peur de les voir se rompre. Or rien ne se passe, la peur est dans nos yeux incapables de concevoir un rapport au monde exclusivement physique où rien ne fait le lien, ni liquide ni gaz, un monde sous-terrain excluant jusqu’à l’idée même d’une issue, un monde non pas enfermé, mais un monde total, seul, ne connaissant que le contact et les tensions des corps les uns contre les autres.