Engloutie dans une matière fileuse proche de celle du peintre alpestre italien Giovanni Segantini, les images que crée Christian Hidaka évoquent les récits de Marco Polo. Elles racontent un paysage japonais, de vapeurs et de calme fantomatique, et en même temps une scène de la pré-renaissance italienne, ses associations de pastels roses, son tempérament au cordeau.

Dans Moutain Factories, un réseau de rochers escarpés partage l’espace d’une vallée avec de grands dégradés de couleur se déployant suivant un geste qui pourrait être celui d’un laveur de carreaux. À l’intérieur du paysage cette planéité invasive nivèle le panorama. Telle une brume de crème fouettée, elle semble s’être élevée parmi les montagnes pour engloutir toutes traces de formes physiques en rejoignant le ciel. Inversement, dès lors que l’on prend le geste abstrait pour point de départ, on a le sentiment qu’il est progressivement contaminé par une maladie de peau en formation où naît un paysage moutonnant de crevasses et d’accidents.

L’enjeu de ces confrontations silencieuses presque ontologique est toujours de comprendre comment la géométrie arbitre le monde et comment cet arbitrage est toujours faussé par le cours des choses. Même à l’arrêt, alors que l’architecture a remplacé le paysage dans des tableaux tels que Tricorn et Blue House, la peinture de Christian Hidaka parvient à exprimer ce lent mouvement perpétuel qui relie la plénitude à la complexité.  Ici la géométrie est mise à l’épreuve par les traces de sa propre construction qu’elle laisse derrière elle. La perspective, en tant qu’implacable moment de mise au carreau, uniformise et transforme l’image en abstraction. Les parallèles se succèdent et transformant tout ce qu’elles traversent en petits carrés, en losanges et en triangles. Néanmoins subsistent quelques figures hiératiques – quelques-unes choisi parmi les meneurs de chèvres, les porteuses d’eau et les arlequins à la guitare qui arriment la comédie à la réalité. Elles ne sont pas déplaçables, mais incapables de s’entendre ; preuve que la raison abstraite ne peut être que peuplée, et que celui-ci ne peut être que fragmenté.