Nourri d’un désir compulsif, Notre pain quotidien relate l’engloutissement d’un champ par des gerbes ocre. Elles soufflent et drainent avec elles des rafales noires imposant lourdement la couleur, glissant de toutes parts, fondant sur elles-mêmes et aspergeant de leurs hordes tout ce qui est de l’ordre de la verdure et du ciel.

Plus loin, renversé sur la mare jaune désormais apaisée, un moule à Kouglof (Dithyrambique) parvient à poser une ombre bleue. La décrue a laissé quelques maisons émerger, mais le ciel reste gris et bas.

Il baisse de plus en plus. Une fois le gris partout, asphyxiant l’atmosphère, le paysage se transforme en natures mortes. À la façon de Poussin plante une grande part de pizza blanche dans le sol bétonné. Fichée comme une lame de couteau – elle est une lame de couteau – de grosses lézardes couvrent la surface du tableau. Les objets que l’on y trouve se terrent, ne bougent plus, leurs couleurs délavées et trempées par la pluie qui s’égoutte finissent par être recouvertes d’une couche de poussière de plomb qui laisse dans la bouche un goût orthopédique. Éclairé par un tournesol, niais et souriant car vainqueur malgré tout, le printemps au Sourire mycénien avance dans l’estuaire d’où s’est retirée la mer et où prolifère la vase, les micro-organismes, ainsi que les algues gluantes dont les rideaux serpentins constituent un voile verdâtre – macramé sans tenue, filet à idées noires draguant sur toute l’étendue du tableau les miasmes et les déchets du monde révolu.

Fuient les sculptures en Arcadie. La mer a disparue. Elles empruntent des barques légères, et longent les rives et les marais sans fond. Casques et coquilles sont toujours là, ils n’avaient jamais disparu. L’Antique est partout, puisque constitué de pierres il ne se noya pas. La décrue venue, les statues restent statiques là où les courants ont renoncés – entre les icebergs, entre les strates et les couvertures pliées, entassées, sédiments sous la terre, sous le ciel.