Dans une Nature Morte un pain large et ramassé, bien cuit sur son dessus et blanc sur sa tranche, est posé sur une nappe. La pénombre n’a pas encore été bousculée par les activités du jour. À ses côtés, une assiette, deux morceaux de fromage, un couteau, et une pièce de viande à sécher côtoient une botte de poireaux barbe rase. Fagotés les pieds en l’air, immobiles, les poireaux pendent au-dessus d’une terre cuite négligemment laissée ouverte. Il n’y a personne, mais la présence de ces objets, la vie qui en découle et qui découle de leur rapport à l’espace est baignée d’une lumière propre à la compagnie des hommes.

Celle de Saint Jean-Baptiste au désert. Le jeune garçon à la musculature élégante que Velázquez a assis au centre d’un paysage bouché par l’ombre brune et fraiche d’une végétation buissonnante. Il porte une tunique rose et un mouton paît à ses pieds. Sa tête est éclairée d’une lumière surnaturelle qui contraste avec la simplicité de son attitude. Le garçon est nonchalant mais concentré, ce qui donne à la dignité de sa présence une ambiguïté ; à la fois rigide et parcourue d’un soupçon de fatigue.

Un moine s’effondre sans bruit. La Tentation de Saint Thomas d’Aquin le représente entouré de deux anges, l’un le retenant du bout des doigts, l’autre observant, occupé par le ruban à pompons qu’il manipule. Alors que la scène est d’une grande clarté, la silhouette du saint est floue, troublée par le pinceau lent, épais et glissant de l’artiste. Toute la composition mène le long de cette chute, depuis l’angle supérieur gauche où l’on voit disparaître dans l’encadrement de la porte la prostituée, objet de la tentation, jusqu’au coin inférieur droit du tableau où Velázquez a positionné avec précision un encrier noir dans lequel trempe une plume étroite.

La faiblesse des saints hommes, leur écrasante humanité côtoie celle du roi. Dans le Portrait de Philippe IV en chasseur, droit et souverain en son paysage, il semble patienter. Un chien l’accompagne et d’une main leste, il tient un long fusil. L’arme coupe la composition d’un trait majestueux et infaillible divisant la toile en deux parties inégales. En bas, le sol où se trouve son animal ; en haut, le ciel, partagé entre des phénomènes nuageux stridents et l’opacité des arbres silencieux.