Ces Toiles découpées découlent d’un protocole, un formalisme qui en 1974 appelle à être en mesure d’énoncer ce que l’on fait. Et, réciproquement, d’être en mesure de mettre en œuvre un discours, de s’y tenir. Il s’agit de gestes simples, peu nombreux : véritable épure pour la tentation.

Louis Cane se saisit d’une toile, à partir de l’un des côtés y pratique deux découpes parallèles et de même longueur, puis il replie depuis les commissures, créant ainsi trois vides qui se répondent en quinconce. Le tout est maintenu au mur par des épingles.

Selon comment ces gestes sont effectués se dessinent plusieurs surfaces rectangulaires sur lesquelles l’artiste applique une peinture fluide et uniforme – des couleurs proches des primaires ainsi que du vert. La forme finale en contient trois, sauf pour l’une d’entre elles qui en contient six, probablement de part sa particularité d’avoir été produite à partir de trois et non pas deux entailles. L’orthogonalité de la toile de départ est conservée, mais le rectangle initial s’est transformé, transformant de la même manière sa planéité en la redoublant.

Le pli que l’on ne perçoit qu’en s’approchant est presque invisible à première vue. Pourtant la variation qu’il crée dans l’épaisseur de la toile est immédiatement ressentie par le regard. Il agit comme s’il matérialisait subtilement la charge physique des couleurs, donnant une impulsion à la surface repliée en avant, collant au mur les surfaces d’où elle est issue, leur donnant un aspect plus rigide, presque solide. Toute l’œuvre est contenue dans cette dualité : la couleur du revers détermine celles du devant, le plein se combine avec le vide pour créer du relief là où il n’y avait rien. À partir de ces deux seuls éléments, la Toile Découpée devient un leurre, un appât, une amorce de complexité qui conduit l’observateur dans une rêverie superficielle d’où il se questionne sur la nature de l’objet qui se trouve face à lui.