Le rouge est-il révolutionnaire ?

Ou plutôt, quel rouge est révolutionnaire ? Double réponse dans Mickey tête en bas/Tombouctou, œuvre consistant en deux tableaux indépendants mais de même hauteur que l’on a associés côte-à-côte. Sur celui de gauche un Mickey et un Dingo bavardent, visiblement préoccupés, tandis que celui de droite multiplie les clous d’une crucifixion sans victime.

Le rouge de Bernard est maoïste, frontal. Vive la République populaire de Chine (1971) est une œuvre toute en longueur, neuf tableaux, chacun portant un caractère chinois peint en jaune sur un fond uni et résolument rouge. Ici, aucune nuance n’est possible – aucune trace de soi ne subsiste face au signifié. Le peintre fabrique une peinture, mais dans l’objet fini, plus rien de lui ne demeure. Chaque intervention peinte doit être dépeinte et supprimée afin que seule reste, in fine, l’idéologie brute et cristalline d’une surface impermissive.

L’approche d’Aubertin renverse ce rejet de l’action. Son Monochrome rouge à la petite cuillère s’en gorge jusqu’à effacer tout signe, toute surface, et se couvrir de gestes répétitifs. Tel un enfant qui apprend à manger, il manipule sa cuillère, intégrant patience et onctuosité. Le rouge devient le lieu d’une révolution intérieure, une révolution perceptible mais sans enjeu pour celui qui observe le tableau. Tout le travail d’Aubertin est traversé par cette dualité, l’éclat – vermeil, écarlate, anglais – et le labeur, récurant et enfermé dans son quadrilatère.

En témoignent ses Petits livres rouges brûlés qu’il présente ouverts dans des boites transparentes. Leur couverture a été épargnée, seules les pages ont été brûlées. Cette consumation semble être le fruit d’un désir d’ôter au rouge le discours qu’il contient. Mais les pages ne sont que très partiellement brûlées. Effet de paresse ou de négligence, l’artiste a dû trouver l’activité destructrice ennuyeuse, comme s’il avouait que le contenu comptait moins que la forme.