Le long d’une œuvre murale de Stéphane Dafflon se succèdent une poignée de tableaux tout juste entrés dans la collection du FRAC Île-de-France.

Inévitables, Ida Tursic et Wilfried Mille font office de point de coupure à mi-chemin du parcours. Cover 604, représente une jeune femme étendue, nue, le visage embué par l’émotion – une émotion que l’on croit être celle du modèle, mais qui peut tout aussi bien être la nôtre, celle des peintres ou bien celle, encore, du photographe qui a pris la photo. À l’endroit de ce visage les peintres ont appliqué une épaisseur dont est dépourvue le reste du tableau, lui donnant un surplus de chair et de frissons. Les draps qui découvrent le corps sont abondamment parsemés d’ornements floraux, très lumineux et colorés, ils ont été peints presque comme s’il s’agissait de fleurs réelles posées sur le lit. Tout autour, une réserve blanche arrête net les bords de l’image créant ainsi une marge. Par cette astuce les artistes refusent aux observateurs de se laisser emporter dans le confort de la rêverie : les fleurs ont beau être douces et l’émotion flagrante, le sujet du tableau est une image pornographique.

À cette évidence crue et trompeuse, les frères Florian et Michael Quistrebert répondent avec Stripes Painting S2E8, un tableau noir, recouvert d’une épaisse couche picturale dans laquelle ils ont creusé un double motif symétrique de chevrons. Réalisée au peigne, la surface est faite de sillons et de strates sous-jacentes mises à jour. Cette surface – rideau noir métaphore de l’image – a été déchirée, vaincue. Passée du statut de barrière à celui d’œillère, elle pend.

Le travail de Loïc Raguénès est disposé dans deux salles complémentaires à la fois entre elles et en relation avec le reste de l’exposition. Dans l’une, Muppets s’insère dans la citation mille fois mise en abîme de la scène pastorale. Trame verte sur fond blanc, les petits animaux du Muppet Show pique-niquent sur une nappe à carreaux. L’image disparaît presque dans le roulement des convocations de l’histoire de l’art. À partir de l’ossature – Titien, Manet, Jacquet, Polke – fleurissent en continu des ramifications gigognes, parfois antinomiques, faisant de ce tableau le point de départ de toutes les histoires imaginées et imaginables.

Dans l’autre salle sont accrochés trois petits tableaux carrés remplis d’une trame verte sur un fond clair pratiquement homogène. En passant devant, aucune image n’apparait spontanément. Pourtant on sait bien qu’elles existent. Alors on se recule pour tenter de les révéler, mais rien. Ni la volonté, ni distance, ni l’imagination n’y parviennent. Rien, sinon le rapport d’arroseur arrosé que nous entretenons avec le regard.