L’œuvre de Taryn Simon est impeccablement réalisée. Rien ne bave, pas même d’un cheveu.

À un premier niveau, les encadrements, complexes, ouvrent l’espace. De dimensions importantes, ils ménagent une grande place au vide et à la composition que forment entre eux les éléments contenus. Les bordures sont noires, sobres et épaisses. Au cœur du système, des maries-louises crème découpées dans un carton délicat imposent au regard un temps de latence, indiquant avec autorité que tout ce qu’elles soulignent est précieux et s’adresse aux ravissements intellectuels. Ces plaisirs sont enchâssés dans un luxe discret, raffinement rare, ici porté à sa plus haute expression par l’artiste qui en a fait sa signature.

Ainsi, il est possible de rester longuement face à ce travail, de se laisser bercer par son élégance documentaire, magistralement ordonnée, tout en se tenant en retrait du sens qu’il contient. On le ressent immédiatement en parcourant l’installation, il y a derrière la beauté des vitrines un aveu dérobé par l’artiste aux dieux, mais pour un moment encore, on se tient à la lisière de la connaissance, on la contemple, illuminé par le simple fait de la savoir à portée de main. Ces œuvres ont en commun avec les mathématiques que la beauté de leurs démonstrations n’a pas besoin d’être comprise pour apparaître à ceux qui en sont les témoins : elles sont là, évidentes.

Le second niveau de lecture, celui des images, des textes et des légendes, est structuré comme une constellation. C’est la circulation entre ces éléments qui donne au tout la forme dont on extrait l’oracle. Chaque œuvre décrit un système tautologique dont le point de départ, arbitraire ou historique, finit par s’enrouler sur lui-même pour créer une pelote compacte de faits solidement associés. Le seul doute possible est celui que l’on oppose aux miracles. Il est aussi inutile qu’inefficace.