Dans la peinture de Guillaume Bresson la mondialisation a remplacé le Nouveau Testament, les mythes anciens ont été recouverts par de plus neufs, plus urbains. Pourtant la toile de fond des livres sacrés continue d’agencer les mouvements et les hurlements de ceux que la destinée a choisis pour incarner le nouveau passé commun.

Cette toile de fond, où viennent se substituer aux saints les prophètes d’un monde anticipé, est la perspective héritée de la Renaissance italienne. Dans ses réseaux de lignes tracées au compas, chacun s’affaire à tirer profit de son prochain, lectures, sous lectures et méta-textes se superposent pour former une grille rigide cadenassant l’espace à la mesure du conditionnement des esprits. Violence et lassitude s’inscrivent dans les rouages inextinguibles du fil narratif voulu par l’auteur. Par endroit la trame traverse la couche picturale, aussi illisible qu’une ligne de code, mais visible, presque limpide tant la répétition des motifs nourrit le désir esthétique de la loi comme dans toute règle autoritaire. C’est de cette manière que, dans ses derniers tableaux, Guillaume Bresson dépasse la hargne anecdotique mais continue qui caractérisait les débuts de son travail ; désormais la hargne s’estompe, se fatigue même, et laisse transparaître les déterminismes de sa nature. Ce n’est plus tant la vulgarité et la médiocrité médiatiques des coups qui frappent, mais l’émergence d’un continuum où les possibles se réduisent à des combinaisons et des permutations au sein duquel, même l’horizon n’est plus qu’une ligne arbitraire tirée au cordeau. Pour tous, enfin, la ligne de fuite est identique.

En observant les tableaux de l’artiste, on ne peut s’empêcher de songer que Jacques et son frère Jean posent à l’ombre d’une arcade alors qu’au loin sur un lac se rejoue le miracle d’une pêche à laquelle ils n’assistent pas. De même, ce pourrait être une toute autre personne, mais c’est à Pierre, assis, que l’on identifie l’homme regardant Marie en lutte avec son fils. Thomas, enfin, avachi sur une table de bar avec deux autres personnes, chuchote son incrédulité alors que dans un ultime repas trop agité se joue peut-être l’avenir de la frontière entre Orient et Occident.