L’exposition de l’œuvre du Pérugin au musée Jacquemart-André s’ouvre sur l’ondulation de jeunesse de l’artiste. Ses lignes, plus sinueuses dans la Vierge à l’enfant (vers 1470), plus opalescentes dans la Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste (vers 1490), trouvent un équilibre parfait dans les deux portraits de format carré de Don Biagio Milanesi et Don Baldassarre d’Angelo. Leur menton levé accompagne le geste pictural de l’artiste, la peinture ne cache rien de sa fabrication tout en parvenant à la plus parfaite évidence. Une évidence quasi mathématique, simple et infiniment riche à la fois ; ainsi, les coups de pinceau posés par rangées parallèles sur les panneaux de bois ont l’air de vaguelettes mues par l’agitation presque miraculeuse causée à la surface d’une eau par le jet d’une poignée de pigments ocre, noirs, rouges et blancs. Tout semble avoir été ordonné par le déclanchement magnétique du regard, comme si, une fois posé sur ses modèles l’œil de Pérugin parvenait à retranscrire précisément l’émotion instinctive de la peau touchée par l’attention qui lui est portée. Les deux moines pourraient ne jamais s’en être remis, et avec eux, l’observateur de leur portrait.

Autre double panneau, Le Christ couronné d’épines et la Vierge (1495-1497), autre cascade de troubles. Les deux protagonistes sont représentés vêtus du même habit rouge et vert. Ils ont la même couleur de cheveux, les mêmes reflets châtains et dorés, le même regard noisette penché avec tendresse sur leur gauche. Et enfin, ils paraissent avoir le même âge.

Dans L’Annonciation (1498), l’architecture claire de plâtre et de marbres roses que perce le ciel bleu sensiblement laiteux d’une nuit riche en rosée, est occupée par l’ange agenouillé et Marie surprise dans son mouvement. Entre eux, un tout petit livre ouvert a été disposé au sol : les choses étaient écrites ; la perspective s’enfuit alors à toute vitesse sous les arcades à l’infini dans la campagne verte, puis bleue et, tout au fond, blanche de l’horizon.