Les œuvres existent-elles ? Encore, pour le savoir, faut-il préciser qu’il aurait été possible de ne pas visiter l’exposition Hike, Hake / Hic et Nunc.

Or on y entre comme dans les studios Disney. À commencer par la musique de bande-annonce accompagnant le ciel rosé et les prairies verdoyantes de Provisional Landscape de Manuel Fernandez. Le rythme est doux et bien connu, les traveling accélèrent puis décélèrent quand, aux abords des pic enneigés, le ciel immense prend les couleurs des petits matins d’enfance : ceux-là mêmes qui ne se lèvent que grâce aux mensonges des souvenirs artificiels.

Saturé de caméras, l’espace de la galerie scrute les œuvres avidement. Y pénétrer implique de s’y exposer. La fonte du glacier a déjà eu lieu, et les restes artificiels qu’Hunter Jonakin lui a fait produire ont pris la forme d’un petit théâtre où les regards prennent place en attendant la suite. La chute de l’histoire ayant eu lieu, le contrepoids du dispositif ayant frappé le sol sans que la fin du monde ne se soit manifestée, l’œuvre a donc dû se résigner à proposer une lueur de rédemption. D’ici là, un panel d’effets spéciaux propose dépaysement et divertissement. À la carte : un demi grand huit aux États-Unis créé par l’évidement soudain de la matrice topographique de Google, une Skyline glacée, la vue sous les jupes des filles à la manière peep-show, mars et la lune, des bières bien secouées, la visite en hélicoptère d’un ex ultime refuge insulaire suspendu au bout d’une canne à pêche. Et pour finir, le filet à provisions numérique de Kevin Zucker – Claustra (blue) –, dont la trame aux motifs binaires s’aborde de près comme une dentelle de finesse quasi érotique, mais qui, avec un peu de recul, se transforme en cul-de-sac : vide, complètement creux.

Et pour cause, ici et maintenant, immobile et sans s’asseoir, il n’y aurait qu’à tendre la main et se saisir de la télécommande pour vivre Ushuaia et toutes les chaînes cablées. Sauf que, bien sûr, le courant a été coupé.