Erró peint vite et beaucoup. Les images défilent, les œuvres qui en regorgent s’ouvrent et s’épanouissent en corole et ribambelles. L’œuvre s’étend dans toutes les directions à partir d’une idée fixe et foisonnante. Ce point de départ est la perversion mutuelle des images. Chez Erró  il n’y a jamais une image, mais des images rendues siamoises par l’action chirurgicale de la peinture agissant à la manière d’une greffe de peau appliquée arbitrairement pour former une contenu unique et polysémique.

L’artiste n’hybride pas, il bourre, puis ferme la toile.

La méthode vient des Meca-Make : des collages de magazines, figures féminines et mécaniques brochées dans un surréalisme d’engrenage électronique. De ce jeu épuisé par trop de cadavres exquis, Erró est parvenu à arracher la nasse cérébrale pour n’en conserver que la perspective ouverte sur l’océan médiatique où, depuis, il nage en bienheureux Oncle Picsou.

Foodscape dit bien cette libération. L’œuvre est un ramassis d’étiquettes alimentaires, cageots débordants de victuailles comme dans un supermarché américain ; la peinture de presque trois mètres documente la malbouffe. L’observateur y entre comme au matin d’une nuit d’hôtel dans un buffet de petit-déjeuner continental de troisième zone. Il y en a de partout, cela déborde mais reste bien ordonné : les fromages, les fruits, les viandes, charcuterie et œufs ainsi que toutes sortes de viennoiseries industrielles.

À mesure du temps qui passe la méthode de l’artiste s’affine, les formes se radicalisent et se simplifient. La peinture se fait évidence, elle se clarifie pour laisser toute la place aux images qui se sautent les unes sur les autres, se dévorent et se chevauchent avec toujours plus d’aisance. À ce point actionnée, la mêlée est devenue industrie : Erró a fini par se transformer en l’une des machines implacables qu’il peignait au début de sa carrière.

Son génie est l’humilité de son rapport aux sources ; quoi qu’il peigne, il s’y applique avec assurance et observation sans jamais oublier d’affirmer un plaisir ductile pour la peinture quand le sujet s’y prête. Littérature, politique, bande-dessinée – Picasso et ses paires, aspirés et compactés, se mettent à table pour passer au vitriol l’histoire médiatique.