L’expositon de Melik Ohaninan au CRAC de Sète s’ouvre sur l’installation vidéo DAYS, I See what I Saw and what I will See. Un écran de très grande dimension diffuse l’avancement d’une caméra sur des rails dans une ville quasi déserte, faite de ruelles où aucune voiture ne peut s’engager. À mesure que progresse la caméra, de nouveaux rails apparaissent pour lui permettre de continuer son chemin. La vidéo tourne en boucle dans ce dédale où l’on ne croise pas une ombre à figure humaine. Au dos de l’écran, la même vidéo, tournée de nuit, montre les mêmes ruelles. Elles se sont remplies d’ouvriers vêtus de bleu. Ils laissent passer les rails et la caméra qui poursuit sa progression en les frôlant dans l’étroitesse du passage sans pour autant s’arrêter pour eux. C’est comme s’ils n’existaient pas, que la vidéo ne pouvait avoir aucun impact sur eux, qu’elle tournait avec pour seule et indifférente perspective de continuer sa route. L’art fait ici le constat de la misère tout en faisant celui de son impuissance.

La salle suivante présente des coquillages géants, en béton, tous identiques et pleins comme s’ils avaient été fossilisés. Ils ont pour modèle d’anciennes monnaies chinoises depuis longtemps tombées en désuétude. Dans le même espace un gong gravé de phrases affiche son usure. Au centre, là où l’on a frappé, les mots ont presque disparu. Inexorablement, le bruit efface les incantations silencieuses.

Plus loin, pour Stuttering, sept écrans diffusent des gifs en deux images. On y voit des feuillages bouger simplement en passant du net au flou. Ce mécanisme donne à ceux qui le regardent le sentiment d’un vertige, une incertitude binaire et répétitive, comme prise depuis un train de marchandises, captant la lumière d’une forêt entre les barreaux du wagon. Dans la semi obscurité de ce déplacement quasi aveugle, le temps se répète. Et ici encore tend à disparaître dans l’impuissance.