La libération de la toile est la grande affaire de Viallat. Et c’est avant tout une histoire de semences. Ces clous, qui maintiennent l’orthogonalité du morceau de tissu dont ils participent ce faisant à déformer les bords, tout en leur donnant la silhouette caractéristique des peaux tannées.

Devenues libres, les toiles flottent et à leur surface les couleurs fluides s’affranchissent de tout souci de conservation. On devine qu’elles furent roulées, pliées, stockées à la mesure de leurs formes et des commodités du moment, sans que ne se pose la question des risques de craquelures ou de crevasses. Finalement, la peinture s’est faite comme l’on repasse un drap, à grands coups de gestes répétitifs, systématiquement et presque automatiquement adaptés au support. Exigeant une concentration sans faille, mais douce elle permet la divagations des rêveries. Viallat a dû en passer des heures à se déplacer accroupi à l’intérieur des surfaces qu’il remplissait. C’est bien souvent en géomètre qu’il travailla, assemblant pan par pan ces parallélépipèdes pour construire et composer des tableaux qui, in fine, s’affranchissent de toute fondation pour flotter dans l’air frais des climatisations bien poussées.

On imagine que c’est ainsi que le hasard s’est mêlé à la curiosité, que les couleurs et les supports se sont multipliés, pour suivre le goût des jours ; le peintre naviguant à vue, montant ses toiles comme l’on monte un mur de parpaings, nouant cordes et bouts de ficelle, tressant, teintant dans la masse ses supports.

Progressivement les toiles de jutes et de lin découpées du début se complexifient. Elles se corsent, deviennent plus acides, plus baroques ; séduisent moins pour convaincre plus. Mais avant cela, c’est toutes les mythologies méditerranéennes qui prennent couleur dans la répétition du geste de Viallar. On aurait envie de s’envelopper dans ses draps, se gorger de leurs couleurs. Vivre parmi elles une vie de cotonnade et de cocagne.