Fernand Léger et John Armleder ont en commun de considérer l’objet comme un mal nécessaire. Ils sont pour l’un comme pour l’autre un support essentiel à l’élaboration d’une pensée plastique à même de capter délicatement l’attention. Leur figuration chez Léger et leur contextualisation chez Armleder ont pour but commun une douce transition entre le quotidien et sa critique. Afin, qu’en vase, le commun et l’intangible se mettent à communiquer.

Une musique tahitienne accueille les visiteurs de l’exposition du second dans le musée du premier. Elle s’ouvre sur un échafaudage tout en longueur encombré de plantes en pot. Partout, les murs sont couverts de choses, presque comme si leur présence répondait plus au besoin de les avoir sous la main qu’à celui de les exposer. En résulte une superposition de propositions accolées caractéristique de l’artiste, mais qui en ce lieu font écho au travail du peintre, lui aussi coutumier des chevauchements rendus naturels alors qu’à les énoncer ils sont tout ce qu’il y a de plus incohérent.

Déambulant dans le stockage de cette jungle hors sol, on se croirait en plein coulisses d’une émission de télévision – à la fois caverne d’Ali-Baba et ribambelle de vanités. Tout est réel, mais rien n’a véritablement le rôle qu’on lui connaît. Ou plutôt, ce rôle leur a été confisqué, le fonctionnel est à l’arrêt, le décoratif encombré. Un tas de pierres, de livres et de matériaux de construction divers témoigne de l’urgence et du caractère temporaire et désinvolte qui caractérisent le rapport aux formes que construit John Armleder.

Nous sommes dans sa réserve. Ce sont aussi des tableaux, des coulées de paillettes, des cibles et des projections de lumière orientées de manière à souligner presque par hasard le carré de mur blanc sur lequel a été posé tel ou tel tableau : un authentique fatras. Autant celui d’un avant spectacle que celui, parfaitement factice, d’une fête promise, mais qui n’arrivera jamais, puisque qu’ayant déjà eu lieu.