Une guirlande de fanions gris parcourt en diagonale la galerie Art Concept. Elle s’étend depuis de la porte vitrée par laquelle on entre, et traverse tout l’espace en ligne droite. Accrochée presque au niveau du plafond, linéaire, sans courbure, elle finit par s’arrêter net et tombe au sol avant l’ultime mur. Là, elle forme un tas.

Les triangles de cette installation – Dégradé III – sont d’un gris de photocopieuse, pas tous identiques, parfois mouchetés d’imperfections, semblables à ce qu’aurait été le résultat d’une impression à la chaîne dans un bureau mal équipé pour cette procédure et totalement dénué de cartouches de couleur. Un peu comme s’il y avait eu urgence à réaliser cette décoration ; une impérieuse nécessité de marquer l’exposition d’un signe de fête qu’elle qu’en soit la pauvreté du résultat. Les séquences rouge, bleu, orange, vert, jaune habituelles ont disparu, et ne reste qu’une trainée couleur « fumée de cheminée » pour égayer l’espace.

La morne fête qu’indique cette installation sert de décor à un groupe de photographies contrecollées. Elles aussi semblent être le résultat d’une dégradation mécanique de l’image. D’ailleurs certaines, bien que parfaitement abstraites et monochromes, portent encore dans leur structure une image perdue, que l’on devine ou plutôt dont on devine la présence : l’ombre portée par la reproduction. La plupart de ces images sont aussi grises que les fanions. Cependant, plusieurs d’entre elles, en couleur, représentent une fleur en gros plan – la même orchidée déclinée –, comme si l’artiste avait travaillé une variation de parfums à partir d’une base identique, et qu’après en avoir longuement déconstruit la structure, l’ayant ramenée à ses plus essentiels points d’appui, il avait choisi de les garder tous, incapable de décider lequel devait être conservé.

Ainsi alignée, cette variation d’originaux s’apparente aux pots d’épices rangés sur les hautes étagères de cuisine de maîtres. Leur surface lisse de bocaux anciens promet mille trésors concentrés, mais qui ne se donne qu’à condition d’être parvenu à la dernière marche de l’escabeau. Or ici, tout est à portée de main, les odeurs – certainement fanées –, se sont réduites à leur plus petit dénominateur commun, le gris.